Pour la suite de notre série d’entrevues « 5 questions avec… », Érudit s’est entretenu avec Loïc Andrien, co-rédacteur en chef d’AEQUITAS : Revue de développement humain, handicap et changement social. Cette revue bilingue s’intéresse au développement et à la diffusion des connaissances sur les déterminants personnels et environnementaux de la participation sociale des personnes ayant des incapacités. Elle est éditée par le Réseau international sur le processus de production du handicap (RIPPH).

L’entrevue a porté sur le récent passage au libre accès de la revue. AEQUITAS fait partie des sept revues qui ont fait ce choix au début de l’année 2023 et sept autres ont transitionné en 2024.

La revue AEQUITAS est publiée depuis 1989 en format papier et elle est diffusée sur Érudit depuis 2020. Jusqu’à son passage au libre accès qui s’est opéré en janvier 2023, la revue n’était donc disponible qu’avec un abonnement papier et sous barrière mobile de 12 mois sur erudit.org.

Le passage au libre accès était la suite logique d’un processus de renforcement de l’identité scientifique de notre revue, entamé plusieurs années en arrière. Déjà reconnue dans le domaine du handicap depuis de nombreuses années, AEQUITAS rassemble un lectorat très divers : chercheurs, universitaires, professionnels des domaines du handicap, du développement humain, de la réadaptation, de l’accompagnement des personnes ayant des capacités différentes, décideurs politiques locaux, régionaux, provinciaux et nationaux, et des personnes vivant des situations de handicap elles-mêmes. Le passage au libre accès signifiait donc renforcer notre visibilité et notre diffusion. Cela doit permettre aux étudiants et jeunes chercheurs d’accéder à des articles gratuitement pour favoriser l’avancée de leurs recherches et études dans le domaine du handicap et des sciences humaines et sociales.

La décision du passage en libre accès s’est prise assez facilement au sein du comité éditorial de la revue AEQUITAS. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les équipes d’Érudit. Le passage au libre accès était devenu, pour nous, un sujet de discussion régulier. Même si ce passage représentait une forme de saut dans l’inconnu pour certains, nous étions tous convaincus des bienfaits du libre accès. Nous avons étudié précisément l’évolution du modèle économique de la revue, et nous nous sommes lancés.

En même temps que la décision de passer au libre accès, nous avons décidé d’aller plus loin. Nous souhaitions rapidement mettre à disposition les archives de notre revue. La richesse de notre revue tient à son histoire, le passage en libre accès ne pouvait donc pas concerner seulement les numéros à venir.

Avant 2020, notre organisme gérait seul les publications et les ventes individuelles de notre revue aux particuliers. Il a donc fallu réorganiser notre processus éditorial. Nous avons revu notre fonctionnement interne, les rôles des différents comités et surtout le travail de suivi, de révision et de mise en page.

Après avoir concrétisé notre diffusion sur Érudit, nous avons fait des demandes de subventions en fin d’année 2021 auprès du CRSH et du FRQSC, et nous les avons obtenues. Nous cherchions à soutenir le passage en libre accès et à obtenir des moyens qui nous permettraient de garantir le développement de notre revue. L’obtention de ces subventions n’était pas indispensable pour nous permettre de passer en libre accès, mais elles nous ont fortement rassurés, démontrant la preuve que notre revue pouvait gagner en popularité en confirmant son statut de revue savante.

Tout d’abord nous avons augmenté considérablement le nombre de lecteurs et les visites sur la page d’Érudit dédiée à notre revue. Pour exemple, en 2021 alors que nous étions sous embargo, notre page a été visitée quelque 7 000 fois. Actuellement, entre janvier et septembre 2024, nous avons enregistré plus de 27 000 visites. Nous n’aurions jamais imaginé atteindre ces chiffres aussi rapidement.

L’autre point positif a été, pour nous, de rassembler à un seul endroit les informations concernant notre revue. Le site d’Érudit nous permettait de simplifier notre gestion, et de toujours garantir que les informations soient à jour. Nous avons ainsi supprimé les pages que nous jugions inutiles sur notre site internet pour favoriser l’augmentation des consultations sur la plateforme. Cela a également facilité notre communication, nos publications sur les réseaux sociaux ont ainsi plus d’efficacité et plus d’impact.

Enfin, le dernier impact, et non des moindres, concerne le financement offert par le Partenariat pour le libre accès, qui est à présent plus important que les revenus d’abonnement que nous recevions lorsque nous étions sous embargo. L’augmentation de notre visibilité nous a permis de compenser la fin des abonnements payants et même d’envisager de nouvelles stratégies de développement. Nous sommes par exemple en train de produire une série de baladodiffusion qui va mettre en valeur les articles publiés dans la revue.

Pour les revues déjà diffusées par Érudit, nous ne pouvons que conseiller de se rapprocher de la plateforme. Nous avons toujours trouvé une oreille attentive et des conseils avisés. Ensuite, il ne faut pas hésiter à prendre contact avec des revues qui ont déjà sauté le pas. Évidemment, chaque situation est différente, chaque revue a son histoire, son fonctionnement. Il faut donc construire chaque projet de manière singulière.

Le point qui me semble le plus important avant de passer au libre accès est de bien prendre connaissance des différents modèles de libre accès qui existent et des philosophies qui les sous-tendent. Dans le cas d’AEQUITAS, nous avons travaillé en comité éditorial sur la Recommandation de l’UNESCO de 2021 sur la science ouverte. Nous avons également étudié la note de recherche publiée par Érudit en 2021 « Principes et politiques du libre accès ». Ce texte a l’avantage de décrire les différents modèles, les différentes voies. Cela a été d’une grande aide pour nous. Le modèle diamant devenait ainsi une évidence et un objectif pour nous… Le libre accès n’est pas seulement une modalité de diffusion, c’est avant tout une philosophie qui impacte tout le fonctionnement d’une revue.