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5 questions avec… Éducation et francophonie

Pour la suite de notre série d’entrevues « 5 questions avec… », Érudit s’est entretenu avec l’équipe de la revue Éducation et francophonie. Natalie Delarive, éditrice, et Anderson Araújo-Oliveira, président du comité de rédaction et professeur titulaire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), ont répondu à nos questions.

À l’occasion du 50e anniversaire de la revue, nous avons discuté de sa gouvernance au sein de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) et de la façon dont une revue savante peut favoriser la consolidation d’une identité. Découvrez aussi dans l’entrevue une façon originale dont la revue diffuse le contenu de ses numéros.

 

1. Éducation et francophonie célébrait dernièrement ses cinquante ans, expliquez-nous dans quel contexte la revue est apparue et comment elle a évolué.

Éducation et francophonie est une revue créée par l’ACELF qui a elle-même fêté ses 75 ans en 2022. Le premier numéro lancé en 1971 visait d’abord à répondre au besoin de communication, d’information et de rayonnement de l’organisme. La revue se situe alors à mi-chemin entre la revue communautaire et la revue professionnelle. La formule thématique y était déjà privilégiée, mais la revue se veut aussi le canal de diffusion privilégié pour les rapports de recherche de l’organisme ainsi que les actes de son congrès annuel.

Elle conserve ce mandat jusqu’en 1988 où une orientation scientifique commence à se profiler. Cependant, il faudra attendre le volume 23, no 1 du printemps 1995 pour que cet important tournant soit finalisé. À partir de ce moment, elle embrasse totalement sa nouvelle vocation qui est de mieux répondre au besoin des universitaires qui font de la recherche en éducation de langue française. Cela lui permet notamment de recevoir du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).

Comme le mentionne Michel Verrette dans son article, tous ces éléments ont contribué « non seulement à faire passer Éducation et francophonie du statut de revue de lutte politique à celui d’outil pédagogique, mais aussi de revue nationale canadienne à celui de revue internationale. ».

La revue se consacre aujourd’hui à présenter des enjeux actuels du monde de l’éducation ou des enjeux de société susceptibles d’avoir des impacts dans les milieux éducatifs francophones. Son mandat est d’alimenter la réflexion par la diffusion des résultats de recherche sur l’éducation en français.

2. Éducation et francophonie est diffusée sur le web et en libre accès dès 1996. Pouvez- vous nous en dire plus sur ce choix?

Éducation et francophonie a marqué l’histoire en étant la première revue canadienne en langue française à être diffusée en libre accès sur le web dès 1996. Cette décision était très audacieuse pour l’époque, alors que la plupart des revues étaient encore publiées en format papier et que l’accès aux articles était limité à un public restreint d’universitaires.

Pour la petite histoire, la mémoire organisationnelle de l’ACELF raconte qu’il s’agit d’une décision liée à l’abonnement et à l’impression papier. En effet, jusqu’en 1995, toutes les personnes membres de l’ACELF recevaient un exemplaire papier de la revue. Mais en devenant une revue scientifique à part entière, l’ACELF souhaitait faire connaître la revue à l’extérieur de l’organisme et ouvrir son lectorat pour rejoindre plus de monde, notamment les universitaires. C’est ainsi qu’est venue l’idée de mettre les numéros en ligne sur notre site Web. Jusqu’en 2015, il était encore possible de commander une version papier payante.

Ce passage ne s’est pas fait sans défi car la décision d’offrir la revue de façon électronique, et de surcroît, en libre accès, ne répondait pas, à ce moment, aux critères de financement du CRSH qui exigeait une version papier exclusive et un certain nombre d’exemplaires vendus. Ainsi, pendant quelques années, la revue a dû se passer de cette subvention.

La diffusion en libre accès sur le web présente plusieurs avantages, car elle rend la recherche en éducation en milieu francophone plus accessible, autant en rapidité qu’en efficacité, en évitant les délais associés à la publication en format papier. Elle rejoint un public francophone international et promeut la recherche en éducation en français à travers le monde.

En choisissant dès 1996 de diffuser la revue sur le web, Éducation et francophonie a pris une position avant-gardiste et novatrice. Cette approche a permis à la revue de se démarquer et de montrer qu’elle était prête à s’adapter aux changements technologiques et à explorer de nouvelles façons de diffuser la recherche en éducation en milieu francophone.

Au fil des années, ce type de diffusion est devenue plus courante pour les revues de recherche, voire la norme actuellement dans le domaine de la mobilisation des connaissances. Le CRSH a revu ces critères et la revue a pu de nouveau bénéficier de la subvention offerte aux revues savantes. Qui sait si nous n’avons pas un peu contribué à ce changement?

3. Fondée par l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), la revue publie des résultats de recherche inédits sur l’éducation en langue française au Canada et à l’international. Quels sont les défis de diriger une revue francophone pancanadienne dans le contexte d’un organisme à but non lucratif?

La publication d’une revue francophone pancanadienne comme Éducation et francophonie présente de nombreux défis uniques, en particulier parce qu’elle est gérée au sein d’un organisme à but non lucratif et non pas d’une université.

Tout d’abord, la revue possède une structure organisationnelle particulière au sein de l’ACELF. En effet, le comité de rédaction régulier, qui est décisionnel quant au contenu rédactionnel de la publication, est formé par cinq chercheuses et chercheurs représentant les quatre régions canadiennes (Atlantique, Québec, Ontario ainsi que Ouest et territoires). Quant à l’ensemble des opérations de la revue (édition et aspects administratifs, financiers, de communication, etc.), elles sont sous la responsabilité de la direction générale de l’ACELF et sont assurées par divers membres du personnel de l’organisation, notamment une éditrice qui, elle, est dédiée à la revue.

La gestion des ressources humaines est un grand défi pour la revue qui doit souvent compter sur le travail bénévole de nombreuses collaboratrices et collaborateurs en provenance de différentes régions et pays pour la production de chaque numéro.

Le financement est l’un des défis majeurs, notamment en termes de production, de marketing et de distribution. L’ACELF doit trouver des sources de financement fiables et pérennes pour couvrir ces coûts, tout en s’assurant que la revue demeure accessible. Cela est particulièrement difficile lorsque la revue est diffusée en libre accès.

Un autre défi est de maintenir la pertinence de la revue. En tant que publication pancanadienne, Éducation et francophonie doit refléter les réalités et les préoccupations des communautés francophones de partout au Canada.

L’internationalisation de la revue dans toute la francophonie est un autre défi majeur. Pour refléter les préoccupations et les défis des communautés francophones à travers le monde entier, la revue doit attirer des contributions et des collaborations de chercheuses, de chercheurs et de personnes expertes de différents pays francophones.

Maintenir un processus rigoureux d’évaluation par les pairs est également essentiel pour maintenir la qualité de la revue. Étant donné que la revue est destinée à un public francophone international, il est crucial que les articles soumis soient examinés par des expertes et des experts dans leur domaine et qu’ils répondent aux normes académiques les plus élevées.

Déterminée à relever tous ces défis avec succès, la revue continue de publier des résultats de recherche de haute qualité et d’offrir une plateforme pour les échanges et les débats sur les enjeux éducatifs contemporains en milieu francophone.

4. La construction identitaire francophone semble être un pilier de l’ACELF, de quelles façons une revue savante peut-elle favoriser la consolidation d’une identité?

Occupant un espace grandissant en éducation, le concept de la construction d’une identité francophone amène des questions extrêmement complexes dont la compréhension varie beaucoup d’une personne à l’autre. Dès 2006, l’ACELF travaille à élaborer une vision cohérente de la construction identitaire dont la définition et le modèle se veulent universels et évolutifs. Il s’agit d’un processus hautement dynamique au cours duquel la personne se définit et se reconnaît par sa façon de réfléchir, d’agir et de vouloir dans les contextes sociaux et l’environnement naturel où elle évolue.

Les interventions éducatives en construction identitaire doivent comprendre une intention pédagogique articulée. Celle-ci doit également s’appuyer sur des fondements qui tiennent compte de la réalité d’aujourd’hui et qui ont fait leurs preuves. C’est la raison pour laquelle huit principes directeurs ont été développés pour inspirer l’action éducative.

Le mandat de la revue étant d’alimenter la réflexion par la diffusion de résultats de recherche sur l’éducation en français, son action s’inscrit principalement dans le premier et le sixième principes :

  • Premier principe directeur « S’inscrire dans une francophonie contemporaine » : l’intervention de la revue s’insère dans une vision actuelle d’une francophonie ouverte sur le monde et consciente des réalités d’aujourd’hui. La revue se consacre à présenter des enjeux actuels du monde de l’éducation ou des enjeux de société susceptibles d’avoir des impacts dans les milieux éducatifs francophones. Elle diffuse le plus largement possible des travaux de recherche inédits sur l’éducation en langue française, et elle favorise notamment le rayonnement national et international des universitaires francophones canadiens.
  • Sixième principe directeur « Créer des liens dans la francophonie » : l’intervention de la revue met l’accent sur la langue française comme élément rassembleur. Elle vise une connaissance mutuelle accrue de toutes les facettes d’une francophonie diversifiée telle qu’elle est vécue à l’échelle locale, provinciale et territoriale, régionale, nationale et internationale. Elle favorise l’établissement de réseaux de chercheuses et chercheurs qui dynamisent les efforts de vitalisation des communautés en alimentant la réflexion des intervenantes et intervenants en éducation de langue française.

L’importance d’une revue comme Éducation et francophonie pour la construction identitaire francophone tient non seulement au fait qu’elle est un véhicule de diffusion de la connaissance sur le Québec et le Canada français, mais aussi qu’elle constitue un lieu de préservation, d’actualisation et de transmission d’un patrimoine scientifique particulier à notre collectivité minoritaire en Amérique.

5. Pouvez- vous nous présenter quelques articles publiés dans Éducation et francophonie qui ont participé à l’avancement des connaissances en éducation francophone au cours de ces cinquante dernières années?

Depuis quelques années, Éducation et francophonie crée des capsules de vulgarisation scientifique qui accompagnent la parution de chaque numéro. Celles-ci ont une grande portée, autant dans le milieu universitaire que celui de l’enseignement primaire ou secondaire. En voici les cinq plus récentes :

  • Le bien-être, un levier pour contrer la pénurie du personnel enseignant?

Quiconque travaille dans les milieux scolaires de langue française le sait. La pénurie du personnel enseignant qualifié est un enjeu important, en particulier en milieu minoritaire. Au nombre des facteurs qui contribuent au défi, on compte, entre autres, le décrochage professionnel. La capsule inspirée du texte de Desmarais, Kenny et Berg (2023) présente les pistes de solutions sur le décrochage professionnel en enseignement.

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  • L’oral à l’école.

« L’oral, c’est la porte d’entrée pour l’ensemble des apprentissages » pense Christian Dumais, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Dans le liminaire du numéro qu’il a dirigé – Dumais (2022) – , il invite les chercheuses et chercheurs à s’intéresser à ce champ de recherche afin de penser ou de repenser la continuité pédagogique entre l’éducation préscolaire et le primaire en ce qui a trait à l’oral.

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  • La citoyenneté numérique dans un monde interconnecté.

L’univers numérique est en croissance dans toutes les sphères de nos vies. Il offre de multiples possibilités, notamment celle d’exprimer sa citoyenneté. Cette capsule inspirée de l’article de LeBlanc, Léger et Freiman (2021) propose un modèle pour comprendre les composantes clés de la citoyenneté numérique, en s’appuyant sur une recension des écrits. On y présente la citoyenneté numérique comme étant l’alliage entre des compétences citoyennes (par exemple, l’engagement ou la capacité à faire des choix responsables) et des compétences numériques (par exemple, l’utilisation compétente des technologies et la capacité à évaluer la crédibilité des informations).

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  • Des réflexions d’étudiantes et d’étudiants universitaires franco-manitobains métis à propos de leur identité culturelle, de la réconciliation et de l’éducation.

L’éducation est au centre de l’avancement de nos sociétés. À l’ère de la réconciliation entre les allochtones et les membres des Premières Nations, Métis et Inuits, de plus en plus de milieux éducatifs proposent des initiatives prometteuses. Ces dernières permettent aux perspectives autochtones et métisses de rayonner et de stimuler les réflexions. Le cours « Perspectives autochtones en contexte scolaire », offert à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba, est l’une de ces initiatives. Pour six étudiantes et étudiants franco-manitobains métis, il a été l’amorce ayant mené à la rédaction de cet article de Sims, Gagné, Carrière, Vandal, Fowler, Brémault et Grégoire (2021) qui fait valoir que nos milieux éducatifs francophones peuvent devenir des points d’ancrage de la réconciliation.

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  • Coenseignement orthopédagogue-enseignante et orthopédagogue-enseignant.

Les recherches sur le coenseignement dans le milieu de la francophonie sont assez récentes. Nous savons maintenant que les jeunes n’apprennent pas tous de la même façon ni à la même vitesse, et que certains élèves ont des difficultés d’apprentissage alors que pour d’autres, ça ne va jamais assez vite. Cette capsule inspirée de l’article de Dubé, Cloutier, Dufour et Paviel (2020) propose des trucs identifiés par des orthopédagogues interrogées dans le cadre d’une étude pour aider le personnel enseignant à répondre aux profils diversifiés de leur classe.

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Éducation et francophonie

La revue est diffusée et préservée sur erudit.org. Connectez-vous à une bibliothèque pour consulter les numéros parus dans les 12 derniers mois.

Curieux d’en apprendre plus sur les revues savantes? Consultez les autres entrevues de la série « 5 questions avec… » juste ici : https://apropos.erudit.org/category/5-questions-avec/.