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Mieux soutenir les revues savantes

Organisé dans le cadre du 91ᵉ congrès de l’Acfas, l’événement « Vive les revues savantes ! » a dévoilé un ensemble de recommandations visant à mieux soutenir les revues savantes.

Avec le développement des technologies numériques et la mondialisation accélérée de la recherche, les revues savantes indépendantes et non commerciales, comme le sont la grande majorité des revues québécoises et canadiennes, se trouvent aujourd’hui à un point tournant. Pour préserver la richesse des recherches qui y sont publiées, il est impératif que des stratégies de soutien à ces revues soient mises en place.

C’est avec cet objectif en tête que s’est déroulé, à l’automne 2023, le Symposium québécois des revues savantes, dont les résultats ont été présentés lors du Congrès 2024 de l’Acfas dans le cadre de l’activité spéciale « Vive les revues savantes ! Mieux reconnaître leur rôle essentiel dans le cycle de la recherche ». Cet événement a réuni plus de 70 personnes en personne ou en ligne.

Après le dévoilement des recommandations par Anne-Marie Fortier, professeure à l’Université Laval et directrice de la revue Études littéraires, un panel a présenté trois perspectives autour de ces enjeux de l’édition scientifique. Nous vous proposons ici une courte synthèse des présentations de cet événement.

Retour sur le Symposium

Pour Anne-Marie Fortier, qui a dirigé le comité de pilotage du symposium, les échanges permis par le symposium lui-même et la rédaction du rapport ont démontré que les revues, peu importe leur langue ou leur discipline, sont souvent confrontées à des difficultés similaires. Trois thèmes majeurs sont ressortis du symposium :

  1. La reconnaissance du rôle névralgique des revues dans l’écosystème de la recherche.
  2. Les revues représentent à la fois le point d’aboutissement de la recherche, mais aussi l’opportunité de formuler des réflexions novatrices.
  3. L’importance de la publication savante pour l’accessibilité et la vulgarisation de la recherche auprès des publics spécialistes ou non.

Le Symposium québécois des revues savantes

Organisé par Érudit et l’Acfas en novembre 2023, le Symposium québécois des revues savantes donné l’opportunité à plus de quarante responsables de revues d’échanger librement autour des enjeux qui affectent leurs pratiques éditoriales et l’ensemble de leurs opérations. Au terme de cet événement, des membres d’équipes éditoriales de revues québécoises ont formulé une série de recommandations visant à renforcer l’écosystème des revues savantes indépendantes alors qu’elles sont confrontées à l’émergence des technologies numériques et à la croissance du mouvement pour le libre accès.

Survol des recommandations

Le rapport « Reconnaître, valoriser, renforcer : recommandations issues du Symposium québécois des revues savantes » comprend 4 recommandations principales, adressées à différents acteurs de la publication savante :

  1. Maintenir le niveau de financement des programmes de soutien aux revues en intégrant une correction pour l’inflation et en allongeant leur période de validité à cinq ans.
  2. Généraliser les dégrèvements d’enseignement aux responsables de revues.
  3. Mettre en place un regroupement de revues savantes québécoises à l’image de leur diversité, horizontal et collégial.
  4. Offrir une expertise harmonisée entre les différents acteurs accompagnant les équipes éditoriales, notamment en ce qui concerne les enjeux techniques et juridiques.

Le rapport est disponible en français et en anglais.

Accompagner et financer : pour la vitalité des revues savantes

Le dévoilement du rapport était suivi d’un panel qui réunissait trois perspectives sur les enjeux et des défis auxquels fait face l’écosystème de la publication contemporaine. La discussion était modérée par Francis Gingras, professeur à l’Université de Montréal et directeur général du Réseau québécois de recherche et de mutualisation pour les revues scientifiques. Voici un aperçu de leurs interventions:

Transition vers le libre accès d’une revue

Par Carla Barroso da Costa, professeure au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal et directrice de la revue Mesure et évaluation en éducation

Mesure et évaluation en éducation est passée au libre accès en 2023. Créée en 1978 par l’Association pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation (ADMEE-Canada), cette revue est la seule publication francophone dans son domaine. Elle s’intéresse aux réflexions les plus récentes qui circulent au sein des sciences de l’éducation et constitue une ressource indispensable pour les chercheur·euses et les professionnel·les de l’enseignement à travers le monde.

L’intervention de Carla Barroso da Costa rendait compte de la réalité d’une telle transition vers le libre accès. Pour les responsables des revues, ce processus représente très souvent une période d’incertitude et, comme l’a précisé la conférencière, la direction d’une revue “ne vient pas avec un manuel !”. Elle a aussi évoqué les différentes formes de soutien et les services disponibles pour aider les revues à transitionner et souligné que le dynamisme des revues et leur capacité à innover dépendent en grande partie du financement qui leur est octroyé.

Découvrez Mesure et évaluation en éducation sur la plateforme erudit.org.

Contexte économique de la publication en libre accès

Par Leigh-Ann Butler, bibliothécaire des communications savantes à l’Université d’Ottawa.

Depuis le début des années 2010, les grands éditeurs commerciaux imposent des frais aux auteur·ices d’articles scientifiques pour que leurs articles soient publiés en libre accès. Ces coûts se nomment “frais de traitement des articles”, ou article processing charges (APC). Alors que la pratique du libre accès est de plus en plus encouragée, voire exigée, par les organismes subventionnaires et les institutions publiques, les grands éditeurs commerciaux augmentent considérablement le coût des APC, en tirant ainsi d’importantes marges de profit.

Leigh-Ann Butler a souligné qu’effectivement, les coûts réels de publication d’un article scientifique diffèrent souvent des frais imposés par les éditeurs commerciaux. Alors que la Fair Open Access Alliance estime à quelques centaines de dollars le montant généralement nécessaire pour publier en libre accès, la moyenne réelle des APC est beaucoup plus élevée, les coûts étant généralement déterminés par ce que les auteur·ices peuvent payer. Bien que les bibliothèques et les chercheur·euses du monde entier consacrent encore trop de ressources financières aux frais de traitement des articles, la présentatrice a conclu sur une note optimiste, en soulignant qu’au Canada, la majorité des éditeurs sont sans but lucratif et que les revues bénéficient souvent du soutien des bibliothèques universitaires.

Consultez « Funding the Business of Open Access », le mémoire de maîtrise de Leigh-Ann Butler consacrée à cet enjeu.

L’importance des revues savantes nationales

Par Simon van Bellen, chercheur chez Érudit

Les revues savantes nationales sans but lucratif jouent un rôle crucial dans la diffusion et la valorisation des recherches portant sur le Canada. Lorsqu’on ne considère que les publications des chercheur·e·s canadien·nes, ces revues nationales publient deux à trois fois plus d’études traitant de thématiques locales, régionales ou nationales que les revues commerciales. De plus, elles offrent un espace privilégié pour les publications en français, souvent moins présentes à l’international. Contrairement aux revues internationales, qui tendent à éviter les sujets géographiquement ou temporellement limités, les revues nationales y accordent une plus grande attention.

Proportions des articles publiés par les chercheur·euses canadien·nes dans les trois types de revues, en fonction des thématiques, compilées à l’aide de la base de données Dimensions.

Les revues ancrées localement, régionalement ou nationalement au Canada offrent en outre un espace privilégié pour les publications en français. En matière de libre accès, les revues nationales sans but lucratif permettent plus facilement aux auteur·rices de respecter les mandats de libre accès en vigueur au Canada. Dans ces revues, environ 80% des articles sont publiés de façon conforme aux mandats, contre seulement 20 à 30% des articles dans les revues commerciales. Toutefois, la découvrabilité des revues nationales pose encore des défis : un plus faible niveau d’indexation de ces revues fait en sorte qu’elles sont moins faciles à trouver pour le lectorat potentiellement intéressé.

Consultez l’article « Les revues canadiennes en sciences sociales et humaines : entre diffusion nationale et internationalisation » coécrit par Simon van Bellen et Vincent Larivière.