Pour cette seconde entrevue, nous nous sommes entretenus avec Rémi Léger, professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser (Colombie-Britannique) et directeur de la revue Francophonies d’Amérique.
Fondée en 1991, Francophonies d’Amérique tisse des liens entre des chercheuses et chercheurs francophones allant de l’Acadie aux Antilles en passant par les États-Unis. Elle confronte les enjeux politiques, sociaux et culturels diversifiés qui animent les communautés francophones du continent.
1. Dans quel contexte la revue Francophonies d’Amérique est apparue?
La revue a été créée alors que le champ de recherche sur la francophonie canadienne à l’extérieur du Québec commençait à prendre du galon. Comme les chercheuses et les chercheurs étudiaient des enjeux distincts à partir d’outils théoriques et analytiques distincts, ils et elles ont pris la décision de créer une revue qui pourrait servir de lieu de rencontre tout en diffusant leurs résultats de recherche. La revue est multidisciplinaire depuis ses débuts parce que les chercheuses et les chercheurs s’intéressant à ces francophonies sont issus de l’ensemble des sciences sociales et humaines.
2. Pourquoi porter une attention particulière à la francophonie au sein du monde scientifique?
La revue publie des travaux de recherche qui documentent et/ou analysent les dimensions de la vie en français à l’extérieur du Québec. Ces francophonies en milieu minoritaire sont confrontées à des enjeux sociaux, culturels et politiques spécifiques, mais ils en font aussi des lieux riches, complexes et variés. La dimension francophone est l’une des particularités des communautés étudiées, c’est en partie cette dimension qui fait d’elles un objet de recherche des plus stimulants.
3. Quels sont les enjeux et défis que rencontre la francophonie à l’heure de l’internationalisation de la recherche?
L’un des enjeux est que la langue anglaise ne permet pas toujours de rendre compte de l’historicité et de la richesse de nos outils d’analyse. Un autre enjeu est lié à l’enseignement : comment donner des cours et faire discuter les étudiant·e·s en français si une bonne partie des travaux de recherche sont publiés en anglais?
Enfin, la contribution de la recherche à sa société reste aussi un enjeu. Est-ce qu’on contribue à l’avancement et au progrès de milieux francophones si l’on publie ses recherches en anglais? Dans les sciences sociales et humaines, il me semble personnellement que la question de la langue de la société reste une considération particulièrement importante dans le choix de la langue de publication.
4. Dans quelle mesure la revue peut-elle contribuer à la valorisation du français dans le monde universitaire?
Depuis 30 ans, notre revue étudie des milieux francophones en français. La francophonie et la langue française font parties intégrantes de la revue, elles font partie de notre ADN.
5. Avez – vous des suggestions d’articles à consulter valorisant la langue française sur Francophonies d’Amérique?
Je vous conseille le tout premier texte de présentation rédigé par le directeur-fondateur de la revue, Jules Tessier, dans le premier numéro de la revue publié en 1991 :
- Tessier, Jules. «Présentation.» Francophonies d’Amérique, numéro 1, 1991, p. 1-6. https://doi.org/10.7202/1004255ar
Dans le numéro 40-41, Martin Normand a publié un article-bilan des 25 premières années de la revue qui revient sur les thématiques étudiées et les tendances lourdes dans le champ :
- Normand, Martin. «Francophonies d’Amérique, acteur important et témoin privilégié de l’évolution de l’étude des francophonies nord-américaines.» Francophonies d’Amérique, numéro 40-41, automne 2015, printemps 2016, p. 233-257. https://doi.org/10.7202/1043705ar